lundi 31 août 2009

"J'aurais adoré être éthnologue..." - Margaux Motin

Elle est trop croquignolette par Sandrounette


Décidément j'ai des amis sympas! Ils m'offrent des livres pour mon anniversaire! Ne sachant jamais quel livre m'offrir sans faire de doublon (il faut dire que ma bibliothèque déborde...), j'ai reçu cet album de BD retraçant les meilleurs billets d'une illustratrice que je ne connaissais pas, Margaux Motin.

Au départ, j'avais un peu peur d'être confrontée à une dessinatrice au style très ressemblant à celui de Pénélope Bagieu que j'aime beaucoup. Et puis tout s'est envolé en lisant!

Margaux raconte sa vie de femme de tous les jours avec une pêche et une auto-dérision énormes! J'ai éclaté de rire à plusieurs reprises! Son vocabulaire, sa franchise et son coup de crayon valent le détour!

Le seul problème que je rencontre toujours avec ce genre d'œuvre, c'est qu'elles sont vraiment trop courtes! Heureusement, on peut aller sur son blog pour avoir des piqûres de rappel!!!

samedi 29 août 2009

"L'ignorance" - Milan Kundera

J'ai la mémoire qui flanche, par Ingannmic.


La mémoire a des caprices qu’on lui pardonne parfois difficilement… Lycéenne, une amie m’avait fait découvrir –pour mon plus grand bonheur- Milan Kundera, dont je me suis empressée de dévorer un certain nombre de romans… que j’ai totalement oubliés depuis ! Imaginez un quidam en train d’examiner votre bibliothèque : « Tiens, tu as lu Kundera ? » « Bien sûr ! », répondez vous avec un air savamment désabusé, en priant pour qu’il n’embraye pas sur : « Et quel passage as-tu préféré dans « Risibles amours ? » ou « Tu te souviens, dans « L’insoutenable légèreté de l’être », quand… ? ». Voilà. Je crois que j’éprouve autant de honte que Zaph le jour où il nous a avoués qu’il n’avait jamais lu Dickens !
C’est pourquoi, lorsque Thom a publié son excellent (1) article sur « L’ignorance », j’y ai vu une occasion de combler, du moins dans une certaine mesure, cette terrible lacune, puisque selon ses propres termes, il s’agit du roman le plus achevé de l’auteur.
Je ne saurai vous dire (comme vous pouvez le comprendre au vu des explications ci-dessus) si c’est aussi mon avis. En revanche, quand Thom le qualifie de chef-d’œuvre, je ne peux que confirmer.

L’auteur y réussit la triple performance de puiser dans les émotions individuelles leur portée universelle, de s’intéresser aux résonnances de l’Histoire sur les destins personnels, et tout cela sans nous ennuyer une seule seconde, puisque c’est un livre que l’on ne peut plus lâcher une fois entamé.
A partir des histoires –séparées- d’Irena et Josef, qui ont fui la Tchécoslovaquie lors du Printemps de Prague, pour n’y revenir que 20 ans plus tard, avec la chute du bloc de l’Est, il s’interroge sur les véritables motivations de nos actes, les malentendus et l’incompréhension qui parasitent les relations humaines, sur les difficultés que chacun rencontre tout au long de son existence pour trouver sa place, et composer avec les carcans qu’il s’est lui-même imposé par ses choix de vie.
Leur statut d’émigrés est comme un révélateur des problématiques qui se posent aux individus dans leur coexistence avec autrui : étant considérés uniquement comme tels, on attend d’eux qu’ils se comportent en conséquence, comme des personnes habitées par la souffrance d’avoir été bannies de leur patrie, leur interdisant ainsi le droit de trouver le bonheur dans leur pays d’accueil. Et pourtant, en 20 ans d’exil, c’est bien une vie que l’on se construit… Que ses compatriotes d’adoption refusent de l’admettre constitue pour Irena une immense déception. D’autant plus que l’on peut se demander si cet exil n’était pas finalement, aussi bien pour Josef que pour Irena, une occasion de fuir non seulement le régime communiste, mais aussi –et surtout ?- un contexte personnel et familial qui ne leur permettaient pas de s’épanouir ?
Le comble, c’est que lorsqu’ils retrouvent leurs compatriotes, ceux-ci semblent vouloir occulter leur années d’exil, comme s’ils refusaient de l’autre sa part d’inconnu, parce qu’ils n’en n'ont pas été des acteurs. Seuls comptent les souvenirs d’avant qu’ils ont en commun. A cela s’ajoute le fossé que creuse la relativité de la mémoire : chacun entretient du passé ses propres souvenirs, nourris de ses impressions subjectives. L’immigré en cela a un handicap supplémentaire, lui qui pendant la durée de son éloignement ne peut s’appuyer sur des points de repères concrets (visuels ou humains) pour entretenir la mémoire de ce passé.
Décalages entre les souvenirs, les attentes, les désirs, incommunicabilité… n’apprécierait-on l’autre qu’en fonction de l’image qu’il nous renvoie de nous-mêmes ?

J’ai eu au final le sentiment que le contexte historique de « L’ignorance » n’avait pas tant d’importance, mais servait de prétexte à l’auteur pour dresser le portrait d’hommes et de femmes à travers lesquels chaque homme et chaque femme peuvent se retrouver. Et par là-même, c’est comme s’il désacralisait l’amour de la patrie, (en tous cas dans le sens d'une patrie à laquelle on devrait tout), en insistant sur l’importance de l’individu et de sa capacité à être maître de ses choix (par opposition notamment à l’approche collective de l’Homme du régime communiste).

(1) Et si tu nous taxes encore d’insolence, je te griffe !

vendredi 28 août 2009

"What I loved" - Siri Hustvedt

Le club des Nouveaux Intellectuels New-Yorkais, par Zaph

Ah, je n'ai pas fait mes devoirs.
Me voilà dans la délicate situation de devoir chroniquer un livre terminé depuis une dizaine de jours.
Un bon test pour décider si ce livre m'a laissé une impression mémorable.
En fait... pas tellement.
Le livre est divisé en trois parties, et je dois avouer que j'ai failli m'endormir plusieurs fois durant la première.
Siri (je peux utiliser votre petit nom ?) nous raconte par le menu la vie quotidienne d'intellectuels New-Yorkais. Ils ont comme tout le monde des déceptions, des peines de coeur, des difficultés dans l'éducation de leurs enfants, mais à la différence de nous (de moi), tout cela donne lieu à de terribles prises de tête mêlées de considérations sur l'Art, parce que bah oui, on est quand-même chez des intellectuels New-Yorkais. On voit que Siri connait son sujet, assurément (elle serait elle-même intellectuelle New-Yorkaise ou alors très proche d'un intellectuel New-Yorkais que ça ne m'étonnerait pas).
Seulement voilà, ils ont beau se prendre pour le nombril du monde, les I. N. Y. (ce qu'ils sont probablement, d'ailleurs), ça n'en rend pas pour autant tout ce blabla passionnant.

En fait, je me suis toujours dit que la faculté d'observation était une qualité prépondérante pour un écrivain, bien plus que l'imagination.Mais je me rends compte en lisant ce roman qu'un manque total d'imagination, même lorsque les personnages sont remarquablement dessinés et fouillés, ça a quand-même un goût de trop-peu.
Ce qui m'a fait persévérer dans ce roman, c'est avant tout que Siri écrit bien, et même très bien. Et puis, dans les seconde et troisième parties du livre, les choses accélèrent un peu, suite à deux drames.

Bon, ce qui m'a le plus plombé dans ce bouquin, encore pire que les discours sur l'Art, ce sont les descriptions d'oeuvres d'art supposées originales et talentueuses, mais qui n'ont généré chez moi que de l'ennui (faut dire que le personnage principal est professeur d'histoire de l'art, son meilleur ami est peintre, et leurs femmes respectives sont écrivains).

Bref, j'ai eu le sentiment très curieux et paradoxal de lire un roman trop réaliste pour être vraiment passionnant.
Mon conseil à Siri : Sortez un peu de la cinquième avenue, voyez un peu le Monde, car oui, il y a un monde en dehors du Club des Nouveaux Intellectuels New-Yorkais.

jeudi 27 août 2009

"La moisson rouge" - Dashiell Hammett

Du rouge au noir et blanc, par Ingannmic.

Ecrit à la fin des années 20, « La moisson rouge » est considéré comme LE roman précurseur du roman noir. Son auteur, quant à lui, qui fut détective privé durant 6 ans (expérience qui inspira son oeuvre), s’est vu attribuer le qualificatif de fondateur de la « hard-boiled school », soit « école des durs à cuire », en référence aux personnages violents et apparemment dépourvus de sensibilité qui peuplent ses livres.
De ce genre de personnages, « La moisson rouge » fourmille : édiles corrompus, vamp sulfureuse et vénale, mafieux, briseurs de grèves… qui s’intègrent parfaitement au contexte dans lequel ils évoluent, celui de la prohibition, des revendications sociales écrasées dans le sang… Et vous savez quoi ? En lisant ce roman à l’écriture efficace, factuelle, j’avais l’impression d’être plongée dans un vieux film de gangsters en noir et blanc, et c’est tout juste si je n’entendais pas en arrière plan la voix off du narrateur… Ce dernier, détective anonyme dont le lecteur ne connaîtra que le nom de la compagnie qui l’emploie et le sérieux penchant pour la boisson, fait preuve d’une assurance effrontée et d’une incroyable intuition qui font parfois sourire, mais qui donnent aussi à ce roman son charme un peu désuet, au même titre que l’argot utilisé par l’auteur (« Il eut beau tomber sur un bec en voulant appliquer le troisième degré à Whisper, il n’en fut pas défrisé » ou encore « J’opérai en conséquence, (…) fouillant l’ombre des quinquets, des feuilles et du blair ») (1).

Tout cela fait que, malgré la violence et le pessimisme qui se dégagent de cette « moisson rouge », j’ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture !
La couleur rouge du titre ? Vous ne l’avez pas deviné ? C’est celle du sang, bien sûr, celui des brigands que « ramasse » le héros (d’où la « moisson »), qui se rend compte qu’il finit lui-même par prendre goût à ce sang, tant le meurtre est devenu pour lui banal et quotidien… tiens, du coup je me rends compte que je ne vous ai même pas résumé l’histoire de ce roman. Vous n’avez qu’à le lire !

(1) Gallimard a publié cet été une nouvelle traduction de ce roman (à l'occasion de ses 80 ans), qui serait plus fidèle et plus proche du texte original, utilisant de façon moins systématique ce que certains qualifient de "scories argotiques" qui parasitaient la première version (avec des termes tels que "zigue", "tubard", "pèze").

mercredi 26 août 2009

"Le boulevard périphérique" - Henry Bauchau

Au-delà des mots, par Zaph

Que peut-on lire de pire que le radotage d'un écrivain finissant en panne d'inspiration, qui décide de nous raconter sa jeunesse en s'imaginant nous délivrer une sorte de testament littéraire quand le résultat ressemble plus à une suite d'anecdotes insipides cent fois ressassées en fin de soirée lors d'interminables réunions familiales bien arrosées ?
Je vous pose sincèrement la question. La réponse est probablement : rien.
Et donc, j'ai eu vraiment vraiment peur en commençant ce dernier livre d'Henry Bauchau qui ressemble furieusement à ... des souvenirs de jeunesse.
Heureusement, le me trompais. Vous avez eu peur, hein ?
Je me suis trompé parce qu'il y a plus que cela dans ce livre : il y a le travail de l'écrivain, et le travail du psychanaliste, qui est de créer des liens.
Ce livre parle de mort (voilà qui fait repenser au "testament") : Bauchau rend quotidiennement visite à sa belle-fille Paule, qui agonise du cancer. L'approche de la mort fait ressurgir du passé une autre mort, celle de Stéphane, un ami de jeunesse du narrateur, tué par les nazis pendant la guerre.
Inévitablement (surtout pour un psy) après la mort, vient la question des mots, ceux qu'on n'a pas pu prononcer quand il était encore temps, ceux qu'on regrette.
Alors, l'imaginaire prend le relais, on se prend à reconstruire toute une communication au-delà des mots, faite de gestes, de regards, simplement de présence. On essaie de reconstruire à postériori ce qui n'a pu être.
Cela donne finalement un roman tout en douceur et en mélancolie, que j'ai beaucoup aimé, écrit dans un style moins flamboyant que par exemple "Antigone", du même auteur, mais touchant quand-même par sa simplicité.

mardi 25 août 2009

"Trois carrés rouges sur fond noir" - Tonino Benacquista

Très coloré par Anne

Antoine travaille dans une galerie. Il aide à monter les expos. Ce n'est pas un travail évident. Souvent les oeuvres arrivent en puzzle et sans mode d'emploi. Ce jour-là, son collègue Jacques et lui doivent accrocher les tableaux d'Étienne Morand. Trente-cinq toiles, toutes noires sur fonds noirs, homogènes sauf une. Celle-là est très colorée, beaucoup de jaune vif avec quelque chose de fulgurant, le dessin académique d'une flèche d'église qui émerge de la couleur. Puisqu'elle cohabite mal avec les oeuvres noires, ils lui donnent une petite place discrète où l'on la verra uniquement en sortant. La toile s'intitule Essai 30 et elle est une petite orpheline bizarre. En plus Antoine est sûr d'avoir vu avant un tableau qui lui ressemble beaucoup. Il n'a pas le temps de s'attarder là-dessus. Il est temps de s'enfuir vers sa vie d'après dix-huit heures. Sa vrai vie. "L'académie de l'étoile", son temple où il s'occupe de son art à lui, le billard. Cette soirée c'est le champion de France, Langloff, qui y joue et Antoine est invité à jouer contre lui une partie en trois bandes. Il perd, évidemment, mais Langloff est impressionné et dit qu'il va s'occuper de lui, faire de lui un champion. Un vrai rêve... qui ne dure qu'une demi-journée. Quand le lendemain il retourne à la galerie pour sa paye un visiteur essaie de voler la toile jaune. Antoine fait tout pour l'éviter. Il se réveille à l'hôpital, un pansement collé d'une oreille à l'autre et la main droite enrubannée dans une pelote de gaze. Déterminé de déceler le mystère de cette maudite toile bizarre qui lui a coûté sa main, il part à la recherche de son agresseur.

Ce livre semble être fait pour notre activité "united colors". On trouve les couleurs dans toutes les pages. Ce qui n'est pas étrange puisque le personnage principal évolue dans le milieu des artistes de l'art moderne. C'est assez original et intéressant d'être introduit dans ce monde de cette façon. L'histoire est captivante, il y a du suspense et de l'humour. Un polar divertissant et instructif et si vous pensez comme Tonino Benacquista que l'art moderne "s'est mis à concurrencer la brocante", vous allez passer un bon moment avec "Trois carrés rouges sur fond noir".

lundi 24 août 2009

"Le mystère de la chambre jaune" - Gaston Leroux

"Le presbytère n'a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat" par Sandrounette

Après Alexandre Dumas, me voici embarquée chez Gaston Leroux et en particulier dans sa mystérieuse chambre jaune.

Le drame survient dans le domaine du Glandier, chez le professeur Stangerson, un éminent chercheur en chimie et sa fille Mathilde. Celle-ci se fait sauvagement agresser dans la chambre jaune alors qu'elle s'y est enfermée à double tour et que son père travaille dans le laboratoire attenant. En défonçant la porte, le professeur retrouve sa fille gisant au sol mais aucune trace de l'agresseur...

C'est ce qu'on appelle le "meurtre en chambre close"! Et j'adore ce genre d'enquête! On se demande toujours par quelle pirouette le meurtre a été commis. Heureusement, il y a toujours un détective débrouillard qui trouve la solution à l'énigme. Si vous aimez ce genre d'enquête, bienvenue chez Gaston Leroux!

J'avoue que le début du roman est un peu long... Joseph Rouletabille, l'ingénieux reporter, va fouiner partout et tenter de résoudre le crime. Evidemment, de nombreux événements vont se succéder et l'assassin ne va pas hésiter à narguer les enquêteurs. Rouletabille est un garçon un peu énervant quand même! Il avance ses pions petit à petit sans rien expliquer... Quelle frustration! Puis le rythme s'accélère pour le plus grand bonheur du lecteur qui ne peut plus rien faire d'autre que de lire, lire et lire encore pour arriver au bout du raisonnement de Rouletabille.

dimanche 16 août 2009

"Bleu presque transparent" - Ryû Murakami

Un Murakami peut en cacher un autre (et c'est peut-être pas plus mal), par Zaph

Attention attention : je lis l'autre Murakami !
Pas Haruki, l'autre, là, Ryû Murakami.
Pas sûr que je l'aurais jamais lu s'il n'y avait pas eu cette activité farfelue : "United colors of Chats de bibliothèque".
Mais bon, comme ça, j'en aurai au moins lu un, et ça me donnera de la légitimité pour affirmer que le grand, le vrai, le seul Murakami, c'est Haruki.

De quoi parle ce bouquin ?
En gros, c'est l'histoire d'une bande de jeunes qui passent leur temps à baiser, boire et se camer.
Chouette programme. Mais tiens ! Mais ça me rappelle furieusement quelque chose, ça !
Sauf que dans "Trainspotting", sans pour autant crier au chef-d'oeuvre, il y avait un style, et il y avait tout un arrière-plan significatif qui transparaissait dans le récit et lui donnait une sorte de profondeur. Et puis, il y avait des touches d'humour, pour prendre un peu de recul.
Ici : rien ! L'auteur colle aux faits, juste aux faits, mais ça ne décolle jamais vraiment. Les descriptions de partouzes et de shoots à l'héro s'enchaîent sans qu'on voie où il veut en venir. Peut-être que la réponse est justement "nulle part".
Ces jeunes n'ont pas d'opinions, pas de projets, pas d'espoirs, et ils préfèrent oublier le passé. Ils ne vivent que l'instant présent, dénué de sens ; ils sont résignés à se laisser utiliser, dominer comme des vaincus sans honneur et sans révolte.
Peut-être que si je cherchais bien, je verrais un symbole dans le fait que ces jeunes paumés se donnent à des soldats Noirs américains employés dans une base militaire, et qu'il y a quelque chose à révéler de l'inconscient collectif japonais ?
Ouais, bof... jusqu'où je suis prêt à aller pour trouver des excuses à un auteur qui met du sexe dans ses bouquins, quand-même !

Non, allez, franchement, maintenant, je peux le dire : si vous voulez lire un Murakami, lisez l'autre, le seul, le grand, le vrai !

samedi 15 août 2009

"Peut- être une histoire d'amour" - Martin Page

Un boulot à finir… par Guic' the Old

Virgile (quel nom!) est publicitaire, vit dans un appart niché au sein d'une maison de passe près de la gare du Nord. Il est assez bizarre, se sent inadapté, et se montre assez incapable de mener une relation sentimentale correcte. Entre les conversation autour d'un thé avec ses amies ou ses rendez vous chez sa psy, pas grand chose ne se passe dans sa vie.

Jusqu'u jour où il entend sur son répondeur un message d'une jeune femme qui a décidé de le quitter. Encore une fois. Sauf que… Sauf que Virgile n'a aucune idée de qui est cette jeune fille.

Si je ne résume pas plus avant, c'est parce que là, je suis déjà arrivé au quart du livre, rien qu'en disant ça.

J'aime bien Martin Page. Quand j'ai lu son premier roman, étant plus jeune, ça m'avait tellement plu que je m'étais mis en tête d'écrire un roman, moi aussi. Il n'a jamais dépassé la page 20, mais quand même. J'ai finalement gardé une grande sympathie pour cet auteur.

Sauf que là… j'ai vraiment eu l'impression qu'il avait décidé de finir ce que j'avais commencé. Du héros ado attardé (qui, en tant que publicitaire n'a bien évidement aucun problème d'argent, ce qui montre que vraiment, s'il a une vie difficile, c'est spécifiquement parce que ses sentiments lui pèsent), doublé d'un cliché ambulant (plus bobo tu meurs: il vit dans un quartier populaire, boit du thé dont il connaît tous les détails et ses meilleures amies sont respectivement sa psy, une voyante, et une lesbienne dont il a été amoureux mais maintenant ça lui est passé), aux milles références totalement inaccessible à un non parisien mais indispensable pour comprendre l'histoire, ce roman donne l'impression d'être une compilation de tout ce qu'il faudrait ne pas faire dans un premier roman – manque de pot, là c'est le cinquième.

Et quand bien même aucun de ses romans précédents ne pouvait faire office de chef d'œuvre, on se voyait offrir un bon moment de lecture. Là, rien du tout, pour une raison simple: il ne se passe rien. Virgile ne fait rien sinon tergiverser, se demander en permanence ce qu'il doit faire et en discuter avec ses amies devant un Earl Grey. Et quand quelque chose lui arrive, penseriez vous que ça changerait quoique ce soit? Non, il se demande ce qu'il doit faire. Et quand, effectivement, il se décide à agir, à faire quelque chose, tiens la fin est dans 10 pages.

On pourrait croire que c'est justement ce cheminement spirituel qui est intéressant, et ce serait vrai… s'il était intéressant. Car à aucun moment Virgile n'attire la sympathie. Juste l'affliction. Un peu comme l'ado qu'on a été, lorsqu'on regarde en arrière.

Bref, Monsieur Page, si vous gardez tout ma sympathie, je dois vous l'avouer: votre dernier roman, si je l'ai fini, c'est juste parce que sur mon trajet de 20 minutes de RER entre chez moi et mon travail, 15 se déroulent dans un tunnel et n'offrent rien à voir par la fenêtre. Quoique. Au moins, si je ne l'avais pas fini, je ne l'aurais pas critiqué. Vous pouvez donc maudire la RATP.

vendredi 14 août 2009

"La tulipe noire" - Alexandre Dumas

Où il est question d'une tulipe... noire par Sandrounette

Qu'est-ce qu'un horizon d'attente? En littérature il s'agit de tout l'implicite contenu dans la première de couverture, la quatrième de couverture, le titre de l'œuvre et, pourquoi pas, des références extérieures.
Exemple: La tulipe noire. A priori, on peut croire qu'il s'agit d'une histoire de tulipe. Et voilà. C'est ça. L'histoire d'une tulipe... noire de surcroit. Bon.

Le problème est que mon horizon d'attente a été troublé par un certain dessin animé intitulé "La tulipe noire". Mais si, souvenez-vous! Une jeune justicière blonde habillée de noir qui faisait la justice sous le Paris révolutionnaire! Alors en ouvrant le roman, je pensais retrouver une bonne histoire de cape et d'épée dont Alexandre a le secret. Alors quand le romancier pose ses personnages de Corneille et Jean de Witt, alors garants de la république hollandaise qui se font sauvagement assassiner par la foule en délire partisane de Guillaume d'Orange, je me frotte les mains. J'attends l'arrivée de gentilhommes gantés, épée à la ceinture. Et puis non. Horizon d'attente complètement fourvoyé! Chouette!

Après la déception, la découverte. Il faut vraiment s'appeler Alexandre Dumas ( mon deuxième écrivain préféré après le grand Victor (ils partagent d'ailleurs le même caveau au Panthéon) pour captiver son lecteur avec une histoire de tulipe!

Cornelius de Witt, filleul du Corneille assassiné par la foule est un horticulteur en général et un tulipomane en particulier. Il ne se préoccupe nullement de la politique. C'est pourquoi son parrain lui confie, avant sa mort, un document de la plus haute importance. Cornelius n'a qu'une idée en tête : faire fleurir une tulipe noire sans tache que le Comité horticole de la ville de Harlem fixe à cent mille florins. Son projet sera contrarié à cause d'une accusation de complot mais aussi à cause de son envieux voisin qui fera tout pour lui voler sa précieuse tulipe. Mais l'espoir renaîtra grâce à la belle Rosa.

Il s'agit vraiment d'un roman très intéressant où se trouvent tous les enjeux romanesques : un héros naïf et beaucoup trop gentil, un méchant bien vicieux usant de déguisement, une belle histoire d'amour avec un fond d'enjeu politique et surtout, la plume d'Alexandre Dumas.

Quand on ne peut plus lacher un livre avant la fin, le pari est gagné! Finalement, j'aime quand l'horizon d'attente est bousculé!



jeudi 13 août 2009

"La pluie jaune" - Julio Llamazares


Élégie impressionnante par Anne

"Un silence immense occupait le village entier, il introduisait sa grande langue sale dans la pénombre des maisons, fourrageant dans la rouille de l’oubli et la poussière accumulée par les ans."
C'est dans ce petit village perdu dans les Pyrénées espagnoles que se déroule cette histoire. Ainielle, abandonné, existe. Les personnages sont fictifs mais "pourraient être réels". Dans le village il ne reste qu'une personne, un homme, Andrès. Il est resté pour mourir là où il est né, dans cette maison où ses grand-parents et ses parents ont vécu. Couché sur son lit, en attendant la mort, il raconte son histoire. C'est un monologue lent mais poétique. Par petits bouts il nous offre ses souvenirs: le départ des derniers habitants, la mort de son grand-père, celle de ses parents, de sa fille, la disparation d'un fils, le départ définitif d'un autre, le suicide de sa femme, la solitude qu'il a partagée avec son chien. Il vivait de la chasse et des fruits et légumes qu'il vendait dans un autre village plus loin. Plus tard il n'a même plus pris la peine d'y aller. Alors il ne voyait plus personne et depuis qu'il avait menacé un ancien habitant venu pour chercher des meubles et des outils, les autres avaient peur de lui et n'ont plus osé mettre un pied dans le village. Tout seul il s'est battu contre le temps rude de la montagne. La neige, le vent hargneux, le brouillard et la pluie jaune qui était tantôt une vraie pluie tantôt une pluie de feuilles de peupliers, tantôt le temps qui passe. "Le temps est une pluie patiente et jaune qui éteint doucement les feux les plus violents". À la fin l'homme ne sait plus s'il rêve ou s'il est éveillé. Tout s'éteint et devient jaune comme une vieille photo qui s'efface. D'Ainielle et de lui ne restera bientôt plus rien que des petits restes couverts de mauvaises herbes. L'oubli total.

Très beau livre.

mardi 11 août 2009

"Le chien jaune" - Georges Simenon

Jules l'éponge, par Zaph

J'avais un problème avec Simenon, ou plutôt avec Maigret. Je suis né dans la même ville que l'auteur, alors, depuis que je suis en âge de tenir assis devant la télé, j'ai été obligé de me farcir toutes les adaptations de Maigret qui étaient programmées. Or, je les ai toujours trouvées plus insupportables les unes que les autres. Le seul fait d'écrire le mot Maigret me provoquait des démangeaisons dans le bout des doigts.

Mais finalement, j'adore ce type. Jules Maigret. (Car non, "Commissaire" n'est pas son vrai prénom.)
Jamais vu un enquêteur aussi transparent, inconsistant.
Pour tout dire, il n'enquête pas, il ne déduit pas, il n'observe pas, il interroge à peine. Tout ce que font les autres enquêteurs, qu'ils soient du type musclé, fouineur ou cérébral, Maigret ne le fait pas.
En fait il ne fait rien. La méthode Maigret est une non-méthode. Ou alors, je dirais que c'est la méthode de l'éponge. Il se laisse lentement imprégner par une ambiance générale, tout en contemplant d'un air surpris et vaguement irrité son adjoint, qui lui, par contraste, s'agite (inutilement) dans tous les sens. L'enquête ne semble avoir pour Maigret qu'un intérêt marginal.

C'est un vrai pied de nez au roman policier, à tous les types de romans policiers, et c'est ça, finalement, qui me réjouit.
Tous les schémas classiques qu'on a en tête sont réduits à néant par l'immobilisme de Maigret. On a envie de lui donner des conseils, et d'ailleurs, les autres personnages ne s'en privent pas ; mais il poursuit imperturbablement son non-chemin.

De fait, ça ne m'étonne pas qu'il soit difficilement adaptable à l'écran.

" - Que pouvait-il faire dans la villa du docteur ?... Il devait s'y trouver des poisons... J'en déduis... - Oui, bien entendu !... Seulement, moi, je ne déduis jamais..."
Et puis voilà. Tout d'un coup, Simenon décide qu'il en a marre de Concarneau, et tout est plié en un chapitre.
Mobiles et crimes sont exposés lors d'une petite mise en scène à la Hercule Poirot, au cours de laquelle les personnages ont l'air de se demander si l'auteur ne va pas changer d'avis en dernière minute, et s'il ne vont pas se retrouver transformés en coupables.
C'est qu'il en faut bien un, de coupable, n'oublions pas qu'on est supposé être dans un roman policier.
Rendons justice à Simenon : si rien n'est dit des déductions, on devine comment Maigret a pu parvenir aux conclusions correctes. Mais finalement, ce n'est pas ça l'important , ni pour Simenon, ni pour Maigret, ni pour le lecteur. L'important, c'est de s'être immergé le temps d'une lecture dans l'atmosphère bien glauque d'un petit patelin (Concarneau se qualifie pour l'appellation de "petit patelin" ? Allez, mettons que oui).

dimanche 9 août 2009

"Mister Pip" - Lloyd Jones

Lecteurs du bout du monde, par Ingannmic.


Début des années 90 à Bougainville, dans les îles Salomon. Un soulèvement révolutionnaire motivé par les dégâts écologiques que provoque l’exploitation des mines de cuivre a entraîné la fermeture de ces dernières. Cette victoire galvanise les troupes rebelles qui depuis longtemps ont des visées séparatistes, et l’armée gouvernementale (de Papouasie Nouvelle Guinée, à laquelle l’île a été intégrée en 1975) investit Bougainville afin d’y rétablir l’ordre.
C’est là que vit Matilda, 12 ans, dans un modeste village de pêcheurs. Le blocus imposé par le gouvernement isole son village du monde mais peu importe, la nature est assez généreuse pour les nourrir… et en ce qui concerne les nourritures de l’esprit, c’est Bel-Œil qui propose de s’en charger. Bel Œil –qui se nomme en réalité Mr Watts- est un blanc qui a épousé une femme du village, et qui, en dépit des tensions et des dangers liés au conflit, est resté. Il s’improvise comme maître d’école, avec pour seul manuel « Les grandes espérances » de Charles Dickens, qu’il va lire aux enfants. Ceux-ci, n’ayant jamais quitté leur île, mènent une vie simple, dénuée du confort moderne, et sont fascinés par l’histoire de l’orphelin Pip, qui tente de survivre dans le Londres du XIXème siècle…

Matilda, la narratrice, nous livre un récit au style extrêmement simple. Peut-être un peu trop d’ailleurs : j’ai parfois trouvé qu’il manquait d’émotion, et qu’il souffrait de quelques longueurs. Mais dans l’ensemble, ce roman m’a plu, d’une part parce qu’il se déroule dans un environnement qui m’est totalement inconnu, et d’autre part, parce qu’il traite d’un thème cher à tous lecteurs : l’amour de la lecture, l’attachement que l’on peut éprouver pour les personnages de romans, la fascination qu’éveille en nous certaines histoires, et les points communs que l’on se cherche avec les héros de ces histoires. L’auteur semble rendre un hommage à la littérature, qui permet à la fois de s’ouvrir sur le monde, et de mieux se connaître soi-même.
C’est aussi un roman sur l’acceptation des différences, sur les apports mutuels que peuvent s’offrir des personnes issues de cultures dissemblables, si tant est qu’elles acceptent de dépasser ce qui les sépare.


Lire aussi l'avis d'Anne.

samedi 8 août 2009

"La Robe Noire" - William Wilkie Collins

Question d'universalité, par Thom

Amis amateur de polar, si tu ne connais pas Wilkie Collins il est encore de temps de combler cette horrible lacune et de te jeter comme la faim sur le pauvre monde sur le chef d’œuvre de cet auteur victorien encore trop peu connu en France : « La Dame en blanc » (*), roman de 1860 qui va tout simplement révolutionner l’esthétique de la littérature populaire de l’époque. Si l’on a tendance parfois à faire hâtivement de ce livre l’inventeur du roman policier, on lui doit en revanche assurément la conception d’un de ses courants parmi les plus populaires : le fameux whudunit cher à Agathe Christie, P.D. James et nombre de Grandes Dames Du Crime plus ou moins autoproclamées. On parlera pour faire court de roman policier traditionnel (soit donc avant la révolution esthétique du roman noir et la révolution théorique de Boileau & Narcejac). Là où le cas Wilkie Collins est extrêmement intéressant, c’est qu’il pratique le whudunit de manière bien plus riche et complexe que ses héritiers (ou héritières), proposant une littérature feuilletonesque extrêmement réactive par rapport à l’actualité ou aux émotions de l’époque quand précisément les tenants du whudunit tel qu’on le connaît aujourd’hui font de l’intemporalité de leurs textes leur principal argument (même chez les meilleurs : on admettra que Miss Marple, à un ou deux détails prêts, pourrait exister à n’importe quel siècle... d'ailleurs les as du whudunit contemporain sont pour la plupart des auteurs de polars historiques !). Pourvu de plus d’un talent d’écriture remarquable, Wilkie Collins réussit par conséquent à tenir l’équilibre délicat entre des exigences artistiques (voire sociales) profondes et un désir de produire une œuvre de pure divertissement… ce qui fait qu’on est finalement pas trop surpris d’y voir une parenté indirecte avec… Daphné Du Maurier, bien sûr. Ceux qui aiment l’une pourront difficilement résister aux charmes de l’autre.

Une longue intro générative, tiens donc, c’est pas son habitude – se diront certains. Effectivement. Expliquons : « La Robe Noire » n’est pas le meilleur livre de Wilkie Collins. Il est même assez dispensable, d’où la présentation d’un auteur auquel je m’en serais voulu de porter préjudice pour sa première évocation dans ces pages. Ceci explique cela.

Sur le papier « La Robe Noire » est un roman policier tout à fait honnête, et classique. Sa principale qualité étant une écriture étonnamment contemporaine, à tel point qu’à côté ce serait plutôt Elizabeth Georges qui donnerait l’impression de s’être échappée d’une autre époque. Le style est vif, les portraits cruels et tout à fait dickensiens (Dickens étant d’ailleurs lui-même le fan number one de Wilkie Collins) et l’intrigue, sombre histoire de manipulation morale, évoque un compromis assez curieux entre « Les Liaisons Dangereuses » et les premiers Mr Ripley. Plutôt séduisant, donc, d’autant que le sinistre Comte Frosco s’avère un personnage complexe et ambigu comme on en voit peu dans la littérature victorienne.
Le problème de ce livre n’en est pas vraiment un, ou plutôt disons que ce n’est pas à proprement dire un défaut : c’est un roman à thèses. Ca n’a rien de condamnable en soi (Zola en a fait de merveilleux), seulement lorsque les thèses en question concernent une époque spécifique et, le cas échéant, une actualité précise de l’époque en question… cela nuit forcément à la compréhension du lecteur de manière considérable. On me répondra que les livres ont été écrits à l’époque où ils ont été écrits, et l’argument paraîtra tout à fait recevable… sauf que pas complètement. Sans quoi, on ne dirait pas des plus grands chefs-d’œuvre que leur qualité principale est d’être intemporels et/ou universels. Reprocher à Wilkie Collins d’utiliser des structures narratives éculées au regard de tout ce qui a suivi depuis en matière de roman policier, ça, ok, ce serait une ânerie : un auteur porte déjà la somme de tout ce qui a été écrit avant lui, si en plus il devait se préoccuper de ce qui se fera après sa mort… le pauvre ! Reprocherait-on à la musique des Beatles de manquer de samples ?

Cependant il y a une différence notable entre une œuvre trop marquée par son époque et une œuvre démodée (dernier concept dont je suis le premier à dire qu’il est inepte). « The Black Robe », tout comme nombre des Scènes de la Vie Politique de Balzac, entre dans cette première catégorie, puisque reposant presqu’entièrement sur la double critique de la législation sur le mariage faisant débat cette année-là, et un aspect pamphlétaire anti-jésuite dont les tenants et aboutissants échappent évidemment complètement au lecteur de 2009 – sauf à considérer qu’il ait une connaissance profonde de l’agitation socio-politique en Angleterre en 1880-81. Autant vous dire qu’à part quelques thésards et spécialistes du sujet, pas grand monde ne serait à même de détenir toutes les clés du bouquin, je le dis d’autant plus modestement que bien qu’ayant longuement étudié l’époque victorienne je n’ai pas saisi toutes les allusions politiques du livre (loin de là).
Ceci ne le rend évidemment pas mauvais : « The Black Robe » peut-être lu comme un roman policier lambda, bien fichu et n’ayant pas à rougir de la comparaison avec nombre de polars contemporains. En revanche il perd une bonne part de son sens pour le lecteur contemporain et s’avère au final perméable à toute notion d’universalité. C’est regrettable, mais précisons tout de même que c’est un trait commun à la plupart des romans de Wilkie Collins publiés vers la fin de vie (il est mort en 1890). Les premiers, ceux des années 1850 et les chefs d’œuvre des années 1860, ne souffrent pas du tout de ce changement d’orientation plus politique que littéraire.

Et, par le fait, vous sont plus que chaudement recommandés.



(*) Wilkie a beaucoup travaillé pour les chats ;-)

vendredi 7 août 2009

"Bleu poussière" - Jennifer D. Richard

Ressortons nos couleurs, par Ingannmic.

Il y a un certain temps que j’ai lu ce roman… j’avais bien pris quelques notes afin d’en faire une critique, mais en voyant qu’il avait déjà été chroniqué deux fois sur le blog, j’avais finalement décidé d’écouter ma paresse naturelle, pour le reléguer à l’état de brouillon définitif. Maintenant que le thème des Chats pour août et septembre est « roman dont le titre comprend une couleur », c’est cette fois mon côté opportuniste qui prend le dessus…

Suite à une fête d’anniversaire très arrosée, Ladislas Baran bascule brutalement dans un autre monde : là où il vivait la veille encore, il ne reconnaît personne (pas plus qu’on ne le reconnaît)… le pire, c’est qu’il semble avoir perdu jusqu’à son identité, les personnes de ce nouvel univers reconnaissant en lui Kaël Tallas, le jeune et brillant mentor du ministre « de l’avancée sociale ».
Ce monde imaginaire dans lequel échoue Ladislas m’a fortement rappelé celui du « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley : tout y est trompeusement lisse et parfait, la délinquance, les maladies et la vieillesse étant éradiquées… chaque citoyen est censé afficher un bonheur radieux (aidé pour cela à renforts de lavages de cerveaux et de consommation d’antidépresseurs), la notion de famille est abolie, et mener une sexualité débridée est une obligation. Bien sûr, il y a un revers à cette médaille…
On devine, derrière cette histoire aux allures de SF –tout comme dans le roman d’Huxley-, la volonté de l’auteure de fustiger les dérives d’un consumérisme effréné, et les risques d’uniformisation de l’individu liés à l’utilisation du progrès comme moyen pour modeler les êtres à l’image de ce que quelques-uns estiment être l’idéal. Ce qu’il y a en plus dans « Bleu poussière », c’est les interrogations que pose l’histoire personnelle du héros. Comment a-t- il échoué dans cette société, que sont devenus la famille et les amis qu’il a laissés dans son monde d’avant. Est-il fou, victime d’une machination… ?
A part des petits détails qui m’ont quelquefois gênée (certaines maladresses d’expression, notamment), je garde un très bon souvenir de cette lecture.

En ce qui concerne le « bleu » du titre, il ne prend tout son sens qu’accolé au mot « poussière », puisqu’il désigne une couleur triste, tirant surtout vers le gris, une couleur que Ladislas/Kaël découvre dans ce monde inconnu… mais je ne vous en dirai pas plus. Disons que c’est un titre qui me paraît bien choisi, et qui ne revêt toute sa signification qu’avec la fin de l’histoire…

jeudi 6 août 2009

"Aimer à peine" - Michel Quint

Où l'on navigue dans d'effroyables jardins par Sandrounette

"Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine"

Guillaume Apollinaire, "Marie"

Avez-vous lu "Effroyables jardins" du même auteur? Si ce n'est le cas, en voici un petit résumé: dans les années 50, Jacques, un instituteur, passe la majeure partie de son temps libre à faire le clown. Avec sa valisette contenant son nez rouge, ses savates et son nœud papillon, il s'évertue à jouer au grand dam de son fils. Celui-ci a honte de ce père qu'il juge pathétique dans son rôle d'Auguste. Il va alors apprendre pourquoi son père prend ce costume, en hommage à un soldat allemand qui les a sauvé, son père et son ami André pendant la guerre alors qu'ils étaient sur le point de se faire tuer.

Cela dit, on retrouve dans "Aimer à peine" le fils de Jacques. Celui-ci prépare un mémoire sur les coulisses politiques du sport en Allemagne. Il se rend donc à Munich en 1972, au moment où les attentats terroristes des JO vont avoir lieu. Il va faire la connaissance d'une jeune fille, Inge, qui va faire ressurgir le passé enfoui de Jacques.

Ce roman est agréable à lire. On retrouve la belle plume de Michel Quint ainsi que ses thèmes de prédilection (la mémoire et sa transmission, ses origines, la culpabilité par rapport à un passé peu glorieux...). Cependant, la trace qu'il laissera dans ma mémoire ne sera pas immuable.
Ayant rencontré Michel Quint lors du Festival du livre de Sablet, j'ai de la sympathie pour cet auteur bon vivant et j'ai encore un de ses romans dans ma Pile à Lire, Max. J'espère qu'il me plaira davantage!

mercredi 5 août 2009

"La chambre écarlate" - Nicci French

La chambre inutile par Anne


Katherine est psychiatre. Un jour un inspecteur de police, Guy Furth, lui demande de dresser le profil de Michael Doll, un homme confus. Elle ne croit pas qu’il soit plus étrange qu’un autre, mais au moment où elle veut quitter la chambre où elle se trouve avec lui... elle ne se souvient de rien sauf qu’elle est couverte de sang et la chambre aussi. Après trois mois de convalescence elle reprend son travail. Une grande cicatrice sur le visage lui rappellera pour toujours de cette horrible journée. En plus elle fait des cauchemars sur cette chambre écarlate. Quand elle rentre de sa première journée de travail après "l' accident", l'inspecteur Furth l'attend devant sa porte et lui demande de nouveau d’assister la police. Maintenant il s’agit d’un meurtre. Le suspect : Michael Doll. Katherine accepte en espérant que ça la guérira de ses cauchemars. Elle va le voir et après elle écoute des enregistrements sonores qu’on a fait de lui. L’inspecteur croit que Katherine n’hésitera pas à dire que Michael est capable de meurtre et il est furieux quand Katherine dit qu’elle doute de sa culpabilité et que lesdites preuves n’auront aucune valeur devant un juge. Elle découvre aussi qu’en fait on n’a pas fait beaucoup de recherches du tout. La police ne la prend pas très au sérieux jusqu’à ce qu’elle découvre qu’il existe un lien avec un autre meutre. Ce lien paraît être une fausse piste mais Katherine, convaincue qu‘elle est sur la bonne voie, continue ses recherches. Ce qui n’est pas sans risques.


"La chambre écarlate" est un des livres du couple Nicci French le moins réussi je crois. Le suspense, présent dans la plupart des livres depuis la première phrase, tarde à s’installer dans cette histoire qui ne commence à accélérer qu’après 300 pages. Bon, après il en reste encore une bonne centaine mais c’est assez décevant quand même. Et la chambre écarlate ? Le titre doit avoir été choisi pour inciter les lecteurs à acheter le livre parce qu’elle ne joue vraiment pas un rôle très important dans l’histoire. Pour un thriller je trouve ça impardonnable. C'est tricher un peu, non?

mardi 4 août 2009

"J'étais Dora Suarez" - Robin Cook

Noir, c'est noir... par Ingannmic.

Dommage que la couleur que nous évoque l’atmosphère d’un roman ne puisse être prise en considération pour la nouvelle activité des Chats, car le moins que l’on puisse dire de ce roman de l’anglais Robin Cook*, c’est qu’il est noir… Une noirceur qui tient certes en partie à son synopsis (l’assassinat, à coups de hache, de Dora Suarez ainsi que de sa logeuse et amie Betty), mais qui est surtout due à la personnalité de son narrateur, l’inspecteur chargé de l’enquête. Après avoir été suspendu pendant un an de ses fonctions pour avoir malmené un de ses collègues, il est rappelé au sein de son service, l’A14 (celui des décès non élucidés), qui manque de personnel. Comme beaucoup d’antihéros de polar, il traîne avec lui de douloureux souvenirs personnels… mais c’est surtout sa vision du monde et le rapport particulier qu’il entretient avec la victime du meurtre, qui en font un personnage atypique. Il n’a que mépris pour l’ambition, qu’il considère comme incompatible avec la foi nécessaire pour accomplir sa mission avec efficacité, une mission qu’il envisage comme un sacerdoce, dont le but est d’apporter son infime contribution à l’avènement d’une société moins dangereuse, moins injuste pour les faibles et les exclus. Et puis, sa place est dans la rue : c’est de là qu’il vient, c’est sur le terrain qu’il pense pouvoir être le plus efficace, et c’est le milieu qu’il connaît le mieux.
Ce qui compte par-dessus tout, pour notre inspecteur, c’est la victime. D’ailleurs, le lecteur ne connaîtra pas le nom de l’enquêteur, quand celui de Dora est parfois répété comme une litanie…
Et c’est un sentiment très fort qui lie le policier à celle qu’il veut absolument venger, qui représente à ses yeux toutes les victimes, parce qu’elle est morte dans d’horribles souffrances, et parce que de son vivant, elle fut bafouée, utilisée, martyrisée… La façon qu’il a de mener son enquête confine à l’obsession, il donne parfois presque le sentiment de flirter avec la folie, d’être plus à l’aise avec les morts –et les fantômes ?- que les vivants, de lire dans les pensées du meurtrier.
Cette affaire est aussi une mise à l’épreuve pour lui à titre personnel : il est envahi par la fureur, comme un mal qui le ronge, et il sent bien qu’il est à deux doigts de perdre tout contrôle sur cette colère qui l’anime.

« Parfois je me sens tellement oppressé par le crime que je crains de perdre la raison (…). Ce n’est pas seulement à cause de la terreur que les circonstances d’un meurtre m’inspirent, mais de la souffrance gratuite qui menace et frappe les gens –voilà ma souffrance ».


« J’étais Dora Suarez » est un roman très fort, très désespéré, pour lequel Robin Cook a su créer un personnage marquant et inhabituel.

(*A ne pas confondre avec son homonyme américain, le « Mary Higgins Clark » du thriller médical).

lundi 3 août 2009

"Le Montespan" - Jean Teulé

Le cocu magnifique par Sandrounette

Pour rédiger ce billet, j'ai lu, comme à chaque fois, les avis de mes consoeurs bloguesques et on ne peut pas dire que ce roman fasse l'unanimité. Nombreux sont les lecteurs déçus par le personnage central du livre à cause de son manque de charisme ou de profondeur. Alors que penser?
Tout le monde a entendu parler de La Montespan, favorite de Louis XIV même si ce n'est qu'à travers le spectacle du "Roi-soleil" (oui je sais j'ai beaucoup de culture musicale). La Montespan, donc, a dû abandonner son mari et ses enfants pour entrer dans le monde sans pitié de la Cour à Versailles. Quel grand honneur pour Le Montespan que sa femme soit choisi pour jouer à "colin-tampon" avec le roi (dixit Mr Teulé). Le problème c'est que ce marquis est éperdument amoureux de sa femme et qu'il compte bien la récupérer.

Je suis tombée sous le charme de ce marquis... Même s'il est naïf (penser que l'on peut défier le Roi Soleil...), je l'ai trouvé extrêmement touchant. Jean Teulé a réussi, comme souvent, à peindre un portrait au vitriol de la société d'Ancien Régime pour réhausser l'honneur du Montespan que l'Histoire a oublié.

Cependant, ce n'est pas le roman que je préfère de Jean Teulé... Pourquoi retomber dans des descriptions graveleuses, fangieuses des moeurs de l'époque? Oui tout le monde était sale, oui l'hygiène était horrible à Versailles mais ce décor qui était si important dans "O Verlaine" pour comprendre sa fin est, à mon avis, inutile et enlève de l'intérêt à l'oeuvre. Je me suis même surprise à lever les yeux au ciel et à soupirer en lisant quelques phrases qui sentaient le déjà-vu dans l'oeuvre de Teulé que j'apprécie particulièrement.

Donc si vous n'avez pas lu de roman de Jean Teulé, vous pouvez lire celui-ci sans problème, vous l'apprécierez. En revanche, ceux qui ont déjà goûté à ses oeuvres, vous y trouverez une certaine redondance qui nuit au déroulement de l'histoire.

Les avis de Laiezza, Lhisbei et Sandrine

samedi 1 août 2009

"United Colours of Chats de Bibliothèque"


L’été, joyeuse saison des vacances..., par Anne.


Les chats ont reclamé plus de liberté de choix pour leur projet collectif. Alors ils ont décidé d’abandonner le projet 'Aristochat', pour le remplacer par une activité d’allure estivale. Pour colorer encore plus leurs jours ensoleillés, ils vont lire des livres qui portent dans leurs titres le nom d’une couleur. Car c’est bizarre, si dans notre vie quotidienne on ne donne pas beaucoup d’importance à la couleur des choses qui nous entourent (sauf à la maison mais là encore...) , dans la littérature les couleurs jouent un rôle assez important. Tapez dans n’importe quel catalogue électronique le nom d’une couleur et vous serez assez surpris par le nombre d'oeuvres que vous allez trouver, même si l’on ne compte pas les livres politiques. On trouve des couleurs dans n’importe quel genre de romans.

Deux questions se posent alors :
1- Est-ce que les auteurs sont plus sensibles aux effets des couleurs que d’autres personnes ?
2- Pourquoi les lecteurs se laissent-ils séduire par de tel titres ?

Cela révèle-t- il quelque chose sur nous ? Un de nos chats en a huit dans sa PAL. Huit ! (dont quatre qui portent le mot « noir » ou « gris » et je me demande bien pourquoi ). Les chats vont par conséquent tenter de répondre à ces questions, et si possible en evoquer d’autres. Si vous aussi vous voulez participer à cette activité, n’hésitez surtout pas et envoyez-nous vos critiques et vos commentaires. Ils seront les bienvenus !