vendredi 14 mars 2008

Le procès - Franz Kafka

Par Laiezza

Joseph K. , employé dans une banque, fête ce matin ses trente ans. Mais il n'a pas vraiment le temps de savourer cette excellente nouvelle : deux inconnus s'introduisent dans sa chambre pour l'arrêter. Ainsi commence le calvaire de Joseph K., anti-personnage incontournable dans l'oeuvre d'un autre K - Kafka. Joseph K. qui va passer par tous les états possibles et imaginables dans ce genre de situation ubuesque : il va d'abord croire à une plaisanterie, puis se demander qui lui en veut au point de le faire arrêter et finalement constater qu'il ne sait même pas pourquoi on va le juger.

Premier des trois romans de Kafka à avoir été publié, mais dernier à avoir été écrit, "Le Procès" est sans aucun doute le plus achevé des trois. En fait, il n'a pas plus de fin que "Le Chateau", mais sa "non-fin" colle finalement très bien à l'univers absurde développé tout au long du texte. Comme dans tous les livres (voir tous les textes) de Kafka, on assiste à la destruction d'un personnage. Mais Joseph K. a ceci de différent des autres personnages de l'auteur qu'il est doté d'une réelle personnalité qu'on voit s'élimer au fur et à mesure du récit. Joseph K. va être broyé par l'appareil judiciaire, mais c'est à mon avis une erreur de résumer le livre à cela : K. est broyé, tout court. Ce n'est pas uniquement la justice, mais toute une société à dominante administrative qui s'acharne sur lui, comme dans un cauchemar où il serait le dernier être à conserver un soupçon d'humanité. C'est une thématique récurrente chez Kafka, et cette angoisse de la justice est probablement le reflet d'une de ses propres angoisses. Elle se communique d'ailleurs violemment au lecteur : après tout, nous sommes tous à la merci d'une arrestation arbitraire.
Le problème d'un roman ainsi inachevé, c'est que finalement on ne sait pas réellement si l'arrestation est totalement arbitraire ou non. Le fait que Joseph K. ne sache pas pourquoi il est arrêté ne signifie pas obligatoirement son innocence. Je me suis toujours étonnée que si peu de critiques relève cette possibilité comme quoi, peut-être Joseph K. a t'il réellement des choses à se reprocher. C'est une question intéressante, du point de vue de l'analyse du texte, car finalement ce n'est pas l'aspect arbitraire de la justice qui terrorise le plus dans ce roman. C'est son aspect incompréhensible. Au point que Joseph K. finisse par douter de sa propre innocence !

Pour finir, ce n'est pas un hasard à mon avis si ce roman est le plus connu et le plus populaire de l'auteur :

  • D'abord il représente une excellente synthèse de ses travaux : c'est l'histoire d'un personnage banal pris dans une histoire invraissemblable et emporté dans une suite d'évènement aussi cruels qu'incontrôlables.
  • Ensuite il est sans doute le plus réaliste de tous, et donc le plus terrifiant : "Le Chateau" et "L'Amérique" présentent le même type d'histoires (le terme concept serait d'ailleurs plus aproprié) mais la part fantastique y est beaucoup plus importante. Dans "Le Procès", en revanche, l'absurdité des situations est plus proche de la réalité. Qui parmi nous n'a jamais été sidéré par la complexité et la folie des administrations ?
De ce point de vue, "Le Procès" est d'autant plus indémodable que depuis sa parution, les société occidentales sont encore plus administratives et complexes, et donc encore plus proches de ce que Kafka avait imaginé.

Biographie de Kafka

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